La tentation du fédéralisme

Les régions socialistes réclament le transfert, à leur profit, du pouvoir règlementaire et de la gestion de la politique agricole commune.

« Fédéralisme » : le mot n’a guère franchi l’orée des lèvres. Il était pourtant dans toutes les têtes lors du congrès de l’Association des régions de France (ARF) ces 17 et 18 novembre à Tours…  Jean-Yves Le Drian (PS., Bretagne), Ségolène Royal (PS., Poitou-Charentes) and co y ont réclamé un acte I de « la régionalisation ». Au menu des régions qu’ils appellent de leurs vœux : des transferts massifs de compétences « européennes » (gestion directe des fonds structurels et de la politique agricole commune) et « nationales » (tout le secteur de la formation), du pouvoir règlementaire ainsi que l’octroi du  statut d’autorité organisatrice. Pour couronner le tout : la suppression de l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre affirmé depuis 2003 à l’article 72 de la Constitution. Autant d’attributs dont disposent les länder allemands et les autonomies espagnoles…

Adaptation des lois

« La région n’est pas une collectivité mais un niveau intermédiaire entre les collectivités et l’Etat, a justifié Géraldine Chavrier, doyenne du département droit et secteur public à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle doit bénéficier d’une relative capacité de contrainte vis-à-vis des niveaux inférieurs. On n’échappera pas à une révision constitutionnelle. » Le coprésident de l’Institut de la Décentralisation, Jean-Pierre Balligand (PS) a opiné du chef. Il s’est prononcé pour un pouvoir législatif d’adaptation au profit des régions. Dans un communiqué publié le 21 novembre, Hervé Novelli, président de la très UMP Association des élus régionaux de France (AERF), a exprimé de « fortes réticences » face à cette perspective. « Près de 400.000 normes applicables aux collectivités locales. L’urgence est d’en supprimer, plutôt que d’en créer » a fustigé l’ancien ministre.

Part de la TVA et de l’impôt sur les sociétés

Il n’empêche, les socialistes veulent pousser les feux de la régionalisation plus loin. « On ne s’en sortira pas par un simple toilettage de la fiscalité régionale. Il faut que les collectivités bénéficient dorénavant du produit des grands impôts nationaux productifs, tels que la TVA et l’impôt sur les sociétés » a recommandé le 17 novembre à Tours, Bruno Rémond, professeur à l’IEP de Paris, conseiller-maître à la Cour des Comptes et adjoint (PS) au maire de Cachan (Val-de-Marne) chargé des finances locales. L’AERF, dans son communiqué du 21 novembre, ne se dit « pas opposée par principe au fait de doter les régions d’un outil fiscal élargi ». Mais « seul », à ses yeux, « un pacte liant l’Etat aux régions encadrant les dépenses rendrait cet outil admissible ».

Le nouveau patron du Sénat Jean-Pierre Bel écarte tout carcan… « Pour moi, « les régions françaises ont été les grandes perdantes de ces dernières années, a-t-il considéré le 17 novembre à Tours. Elles doivent être à l’équivalent des grandes régions en Europe. » Et Jean-Pierre Bel de prôner un mode de scrutin sénatorial qui prenne « enfin en compte l’émergence des régions ». Le nouvel homme fort du « plateau » plaide, plus généralement, pour une « nouvelle démocratie territoriale ». Dans la bouche des édiles socialistes, le mot « décentralisation » n’est plus en odeur de sainteté. Il y est jugé trop restrictif et trop technique. A tel point que Jean-Pierre Balligand (PS) envisage de débaptiser son cher Institut de la Décentralisation…

Jean-Baptiste Forray


2 Commentaires

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2 réponses à “La tentation du fédéralisme

  1. Prigent M.

    Après des décennies de réformettes et de tribulations, il est plus que temps de mettre nos « régions » en symbiose avec les standards européens de gouvernance et de subsidiarités afin de s’exonérer quelque peu de la tutelle infantilisante du pouvoir central, au demeurant « en faillitte », qui déresponsabilise, voire décourage les initiatives locales.
    Avec un budget dérisoire de 28Mds€ (et 17 Mds€ de dettes!) pour l’ensemble des régions françaises, notre pouvoir régional est ridicule au regard de région comme l’Ecosse, Pays de Galles (22Mds€), la Catalogne, le Pays Basque (4è PIB/hab d’Europe), la Bavière…
    Qu’on en profitte aussi pour remodeler les territoires en tenant compte de leur légitimité historique ou autres tels la Normandie coupée en 2, la Bretagne amputée de la Loire-Atlantique….et tant qu’à faire simplifier les structures redondantes comme vient de le décider l’Alsace qui pourrait servir de modèle à la Corse.

  2. le Moine

    Ce pauvre monsieur Forray est encore un nostalgique des têtes de girondins coupées . Mais il y a deux siècles de cela et il n’est vriment plus dans la course .

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