L’assiette au beurre

Rien n’a changé depuis la IVème République. On comparait, alors, les radicaux aux radis : « Rouges à l’extérieur, blancs à l’intérieur et tout près de l’assiette au beurre. » Leur chef actuel, Jean-Michel Baylet possède toujours un solide appétit. Il l’a prouvé, en obtenant, le 17 octobre, la préservation de la moitié des conseils généraux en l’échange du maintien des radicaux de gauche au Gouvernement.

L’histoire repasse les plats. Impuissance politique et marchandages entre partis : les principaux ingrédients de la IVème République sont de retour. L’affaire de la vraie-fausse suppression du conseil général le démontre pleinement.

Tout démarre au printemps. François Hollande tranche dans le vif. « Le conseil général a vécu », statue-t-il. La formule fait florès. L’institution bicentenaire, en conclut-on, sera effacée de la Constitution. Il n’y aura plus de scrutin cantonal. Paris tient, enfin, sa réforme de structure. Bruxelles et Berlin relâchent un peu la bride.

Réforme virtuelle – Patatras, un mois plus tard… Dans une tribune publiée dans la presse quotidienne régionale, le Président fait machine arrière. Plus question de couper tout de suite la tête des élus départementaux. « L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020. » François Hollande repousse son grand dessein à l’après-présidentielle de 2017. Autant dire aux calendes grecques.

L’instauration des super-régions mise à part, la réforme territoriale devient surtout virtuelle. Le régime des faux-semblants peut triompher. Et, avec lui, l’un de ses virtuoses, le président du parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet. Surgie des tréfonds de la IVème République, sa formation entre dans la mêlée. Malgré son score microscopique à la primaire citoyenne de 2011 (0,64 %), son chef dispose de solides arguments. Le PDG de La Dépêche du Midi bénéficie d’un groupe à l’Assemblée et au Sénat. Le patron de presse colle au discours social-libéral de Manuel Valls. Il est le dernier allié du PS.

Après avoir, en vain, fait des pieds et des mains pour décrocher un gros maroquin lors du remaniement fin août, Jean-Michel Baylet change de registre. Il menace, début octobre, de faire démissionner ses trois représentants au Gouvernement s’il n’obtient pas le maintien de la majorité des conseils généraux.

Comique de répétition – Entre ces deux dates, un drame national. En dépit de sa mainmise sur l’unique quotidien local (La Dépêche du Midi) et le conseil général du Tarn-et-Garonne, Jean-Michel Baylet perd son fauteuil de sénateur. Un terrible revers pour l’héritier radical-cassoulet, dont la famille règne sur le département depuis près d’un siècle. Le chef est défait dans son fief ! Avec la complicité, s’insurge-t-il, des socialistes. Sur le mode « Arrêtez moi, ou je fais un malheur ! », Jean-Michel Baylet fait les gros yeux. Ce n’est pas la première fois, relèvent les observateurs, que le leader radical menace de retirer ses représentants du conseil des ministres. Les moqueurs parlent de comique de répétition.

Au siège du plus vieux parti de France, on ne plaisante pas. L’heure est grave. Jean-Michel Baylet doit absolument se refaire une santé. Alors, plus que jamais, il se pose en champion des conseils généraux. Ceux-ci, faut-il le rappeler, ne sont pas menacés avant 2020. L’objectif présidentiel d’une suppression à cet horizon a même été abandonné. Fin août, Manuel Valls a indiqué qu’ils seraient supprimés uniquement sur le territoire des métropoles. Ailleurs, ils seraient transformés en fédérations d’intercommunalités. Et là, où cela ne serait pas possible, les conseils généraux seraient maintenus en l’état.

Un cas de figure qui, selon les exégètes de Matignon, concernerait 10 à 15 départements. Le Tarn-et-Garonne ferait-il partie du lot ? Au secrétariat d’Etat à la réforme territoriale, on réfléchit à des critères pour le faire entrer dans cette case.

Troc politique – Mais Jean-Michel Baylet possède un plus gros appétit. Rien n’a changé depuis la IVème République. On comparait, à l’époque, les radicaux aux radis : « Rouges à l’extérieur, blancs à l’intérieur et tout près de l’assiette au beurre.  » Dans son « projet de protocole d’accord de gouvernement entre le Parti radical de gauche et le Parti socialiste », le PRG se montre toujours aussi gourmand. Il réclame que « les conseils départementaux soient conservés dans les 54 départements dans lesquels plus de la moitié des communes ont une densité de population inférieure à 40 habitants au km2 au sens du commissariat général à l’égalité des territoires ».

Le 17 octobre, Manuel Valls répond à cette requête dans une longue lettre de sept pages. Entre la promesse d’une loi sur la fin de vie, la mise à l’étude d’une mission interministérielle sur la laïcité et la commande d’un rapport consacré à la retenue à la source de l’impôt, le Premier ministre s’attaque au plat de résistance. Oui, il s’engage à « pérenniser au moins la moitié des actuels conseils départementaux ». Résultat : après un insoutenable suspense, les radicaux restent au gouvernement. Certains diront, qu’avec ce troc, Manuel Valls s’est vendu pour un plat de lentilles. A moins que, finalement, sa promesse ne mange pas de pain…

Jean-Baptiste Forray

 

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La concertation, maladie chronique de la décentralisation

Le président du Sénat réclame une « concertation » et une « réflexion pluraliste » avant l’examen du projet de loi « Lebranchu ». De quoi embrumer encore un peu plus l’acte III de la décentralisation.

Les sénateurs, depuis des semaines, lui reprochaient sa discrétion. Le président de la Haute assemblée a fini par sortir du bois ce 21 mars. Dans un communiqué, Jean-Pierre Bel (PS) appelle à une « concertation » pour préparer le travail du Sénat sur le futur projet de loi. « Cette réflexion pluraliste sera conduite dans les prochaines semaines, avant que ne s’engage le travail de fond sur le projet de loi qui sera déposé en premier lieu au Sénat ». Elle portera sur les « principaux axes de l’avant-projet de loi, telles que la gouvernance territoriale, l’accès aux services de proximité et l’intercommunalité ». Ce sera l’occasion, souhaite Jean-Pierre Bel, d’« aborder les grandes questions qui ressortent des attentes exprimées par les élus locaux lors des états généraux de la démocratie territoriale ».

Comitologie

Courteline aurait-il pris les manettes ? A moins que ce ne soit Kafka ? Après le florilège des documents de travail, « épures » et autres « notes de synthèse », après les dix versions du projet de loi, voilà que sort du chapeau la concertation destinée à prolonger cinq mois de consultation gouvernementale, venant en appui de longues semaines d’états généraux sénatoriaux. A ce rythme-là, ce n’est pas à l’automne 2013 mais 2014 que sera adopté le texte. Et en miettes.

Car, oui, le sacro-saint « dialogue », avant-hier avec les élus locaux, hier avec leurs associations, demain avec leurs relais parlementaires, peut vite devenir ankylosant. Pour ne pas dire anesthésiant. Surtout lorsqu’il est voué à se prolonger au sein d’un Haut conseil des territoires coiffant des conférences territoriales de l’action publique, elles-mêmes composées de sous-sections thématiques.

Nous avions cru comprendre, à la lecture de l’article 24 de la Constitution, que c’était précisément le rôle du Sénat d’assurer « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Nous pensions, naïvement, que la « réflexion » et le « travail de fond » sur un texte se déroulaient au sein des commissions du Parelement. Mais peut-être, était-ce là, le reflet d’esprits trop simples pour mesurer toute la portée de l’intelligence territoriale…

Jean-Baptiste Forray

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La droite rurale sort ses fourches

Sous le commandement de Pierre Morel-A-L’Huissier (UMP), 50 députés de droite tirent à boulets rouges sur la baisse de 4,5 milliards des dotations aux collectivités d’ici 2015. Egalement dans leur viseur : la réduction de moitié du nombre de cantons. Deux signes, selon eux, d’une volonté de « mise à mort de 80 % du territoire ».

Haro sur la réduction du soutien financier de l’Etat aux petites communes ! Feu sur la suppression de services publics ruraux ! Et vive l’investissement public, moteur de croissance en temps de crise ! Les discours fleurent bon ceux, millésimés « 2011 », de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNESR). Et, pourtant, autour de la table, ce 19 février 2013, on ne trouve que des députés UDI et UMP. Le collectif parlementaire sur la ruralité, anciennement connu sous le label de droite rurale, convoque les gazettes à l’Assemblée nationale pour lancer ce qu’il appelle « la révolution des fourches ».

Tous ses membres vilipendent la baisse de 4,5 milliards des concours de l’Etat aux collectivités jusqu’en 2015. « Du jamais vu, depuis la création de la dotation globale de fonctionnement en 1979 », rappelle Hervé Gaymard, député (UMP), président du conseil général de Savoie et ancien ministre de l’Agriculture.

Ciel, mon canton !

Tous conspuent le projet de loi électoral et la baisse de 50 % du nombre de cantons, en examen devant l’Assemblée depuis le 18 février. Ils discernent, dans ce texte, la  mise à mort programmée des territoires les moins peuplés. « C’est le grand bond en arrière », juge Didier Quentin, député (UMP) de la Charente-Maritime. « Dans ma circonscription, il n’y aura plus que 2 cantons au lieu de 10 », illustre son collègue (UMP) du Var, Olivier Audibert-Troin. « La fin d’une représentation politique, c’est la mort économique », tranche François Sauvadet, député (UDI) et président du conseil général de Côte-d’Or. Pierre Morel-A-L’Huissier (UMP), leader ce groupe informel, rappelle, lui, que le canton constitue l’échelon de base de l’organisation des services publics…

Les 80 % du territoire et les 11 millions de Français habitant des communes rurales seraient oubliés. La limitation du cumul des mandats constituerait la deuxième lame du rasoir gouvernemental. « Les parlementaires iront chercher leur investiture, non, dans les territoires, mais dans les couloirs », met en garde Didier Quentin.

Datar « nostalgie »

Tous évoquent, avec nostalgie, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (Datar) fondée en 1963. L’institution gaullo-pompidolienne était, à l’origine, dirigée par des grands commis de l’Etat comme Olivier Guichard. « Aujourd’hui, qui est à la tête de la Datar ? Mr nobody », grince Didier Quentin. « Le cinquantenaire de la Datar ne fera pas le printemps de la ruralité. Ce n’est plus qu’un cimetière de fonctionnaires en mal d’affectation et d’intellectuels attardés », renchérit Pierre Morel-A-L’Huissier.

Pour le député (UMP) de l’Aveyron, Alain Marc, c’est bien simple : « Le gouvernement hait la ruralité. » L’un de ses collègues évoque sa proximité avec un syndicat agricole « musclé ». Pierre Morel-A-L’Huissier parle de « caillassages » lors de visites ministérielles. Propos de Gascon, pour l’heure. La jacquerie, ce 19 février, reste confinée aux ors du Palais Bourbon.

Jean-Baptiste Forray

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Quand les campagnes s’éveilleront

Réunis, le mardi 12 février 2013 sous l’égide de l’Assemblée des départements de France, les conseils généraux séduits par le manifeste des « nouvelles ruralités » veulent avoir voix au chapitre lors de l’examen du projet de loi de décentralisation.

« On arrête de raser les murs et on redresse la tête ! » : ainsi, le président (PCF) du conseil général de l’Allier, Jean-Paul Dufrègne résume le credo des conseils généraux à prédominance rurale. Alors que régions et métropoles se taillent la part du lion dans l’avant-projet de loi de décentralisation, ces départements s’organisent en « groupe d’influence ».

A l’origine de ce mini-lobby, quatre présidents de territoires du nord du Massif Central : Jean-Paul Dufrègne, Alain Rafesthain (PS., Creuse), Jean-Jacques Lozach (PS., Creuse) et Patrice Joly (PS., Nièvre). Issus de « régions administratives différentes », ils ont produit un manifeste des « nouvelles ruralités » le 12 juillet 2012. Le quatuor y promeut « des bassins de vie à échelle humaine, favorisant une vie plus simple et des rapports humains apaisés ».

Services « planchers »

Son mot d’ordre ? « Luttons contre la double peine ! » « Déréglementation et libéralisation de certains services publics ou d’intérêt général ont souvent transformé un accès universel gratuit en une dépense publique contrainte de compenser. C’est inéquitable, alors même que les opérateurs réalisent gratuitement les infrastructures nécessaires dans les grandes aires urbaines (réseau de fibre optique par exemple) », cinglent ces édiles arrimés à gauche. Tous militent pour « le principe de services planchers, véritable bouclier rural indispensable au maintien de la vie de proximité ». C’est, à leurs yeux, la condition sine qua non pour redresser l’économie, c’est-à-dire notamment favoriser « la structuration de filières (agroalimentaire, industrie, biotechnologies, économie verte…) ».

Financement pérenne de l’APA

Un discours qui porte. 14 autres conseils généraux se sont montrés intéressés par l’initiative des « quatre mousquetaires de la ruralité », ainsi que les a baptisés le président de l’Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton (PS). Tous se sont retrouvés au siège de l’ADF, ce 12 février.

A l’issue de leur réunion de travail, Claudy Lebreton a souligné « le désir d’aller vivre dans les territoires ruraux » qui se manifeste « depuis la fin du siècle dernier ». « Ces départements qui sont assez organisés, portent de l’urbanité tout en assurant l’harmonie entre l’homme et la nature », a vanté le président du conseil général des Côtes d’Armor.

Jean-Paul Dufrègne, le pionnier de l’Allier, a posé un préalable à l’acte III de la décentralisation : le financement pérenne des allocations de solidarité. « Nos territoires sont plus impactés que d’autres par la hausse du nombre de bénéficiaires l’allocation personnalisée d’autonomie du fait du vieillissement de la population », a-t-il rappelé.

Stratégie d’influence

Pour Jean-Jacques Lozach, son collègue de la Creuse, on a assez « écrit, parlé et colloqué ». « Un mouvement d’impatience » gagne les campagnes. Loin de se poser en ennemis des métropoles européennes dessinées par le gouvernement, les porte-voix des « nouvelles ruralités » se font, avant tout, les chantres de l’équilibre des territoires.

Depuis  la rentrée, ils ont pris leur bâton de pèlerin. Le 12 septembre, ils sont allés à la rencontre de la ministre en charge de la Décentralisation, Marylise Lebranchu. Fin janvier, ils ont pris la route de l’Elysée. Bernard Combes, maire (PS) de Tulle et conseiller « relation avec les élus » de François Hollande, les a reçus. « L’ancien président du conseil général de la Corrèze doit avoir des schémas de pensée proche des nôtres », jaugent les patrons de départements. Les inventeurs du concept de nouvelles ruralités remettront en septembre un rapport à l’ADF. Un moment idéal pour eux : c’est à la rentrée 2013 que devrait débuter la deuxième lecture du projet de loi de décentralisation.

Jean-Baptiste Forray

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C’est la MAP qu’elle préfère

Pour Marylise Lebranchu, l’acte III de la décentralisation marque, avant tout, l’acte I de la modernisation de l’action publique (MAP). Et le retour-éclair de la RGPP ?

« Courage », « Tiens bon », « Ca va être dur » : tels sont les messages à double-tranchant que la ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique a reçus pour ses vœux. « C’est difficile pour les fonctionnaires (…). Je les décourage parfois, même souvent, parce que je leur confirme que nous allons parler à budget constant et en l’absence de créations nouvelles d’emplois, en dehors des secteurs prioritaires » a-t-elle admis, le 29 janvier 2013, lors de ses propres vœux à la presse. Et la ministre, qui avait annoncé le 4 juillet 2012 « un grand moment de rigueur », d’évoquer la nécessaire « évaluation des politiques publiques ». Une petite musique qui rappelle le refrain entendu durant toute la mandature précédente.

Mais, depuis, s’est réjouie Marylise Lebranchu, une grande rupture est intervenue : la modernisation de l’action publique. « La MAP, ce n’est pas la RGPP, a-t-elle martelé. C’est beaucoup plus courageux et beaucoup plus ambitieux. » « C’est pire », traduisent certains syndicats, songeant au non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois dans des administrations des finances publiques ou relevant du ministère de l’Ecologie.

Efficace et pas chère

« C’est global », leur rétorque en substance Marylise Lebranchu. Bercy ne sera plus seul aux manettes. La MAP, pilotée depuis Matignon, embrassera tout le secteur public. Elle constituera, explique Marylise Lebranchu, le chaînon manquant entre les trois branches de son ministère : la réforme de l’Etat, la décentralisation et la fonction publique. Le projet de loi de refonte de l’organisation territoriale, présenté courant mars en conseil des ministres, sera le premier étage de la fusée. « La MAP, c’est mon cap », a scandé la représentante du gouvernement, le 29 janvier. Efficace et pas chère, c’est la MAP qu’elle préfère !

Le sigle sonne beaucoup plus doux que RGPP. L’intitulé, « moins techno » que « révision générale des politiques publiques », ne dépareillerait pas dans des dénominations ministérielles. Les mauvaises langues préfèrent parler de « RGPP de gauche ». Tout le défi, en 2013, de Marylise Lebranchu sera de tordre le cou à cette appellation d’origine incontrôlée.

Jean-Baptiste Forray

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Le retour du club des Jacobins

FO, Jean-Luc Mélenchon et le FN partent en guerre contre « la balkanisation de la République ». Dans leur ligne de mire : l’organisation à la carte des compétences et des institutions locales.

D’aucuns croyaient la querelle enfouie au tréfonds des âges. Avec les lois « Defferre » de 1982-1983, les Girondins, croyait-on, n’avaient pas seulement remporté une bataille, ils avaient gagné la guerre. Leurs adversaires, les Jacobins d’obédience gaulliste, socialiste ou communiste, étaient à ranger au rayon des antiquités. Philippe Séguin (RPR) et Jean-Pierre Chevènement (MDC) pouvaient bien tonner contre « le démantèlement de la Nation », ils prêchaient dans le désert.

A contrario, beaucoup approuvaient mezzo voce François Léotard (UDF) quand il prônait « une France fédérale dans une Europe fédérale ». En attendant de donner aux régions le pouvoir d’adaptation des lois, la République, depuis 2003, était décentralisée. Ainsi l’avait voulu le Congrès réuni à Versailles. Puisque tel était le sens de l’histoire…

L’Alsace dans le viseur

Dans une missive trempée dans l’acide, adressée le 6 décembre 2012 à François Hollande et dévoilée le 11 janvier 2013 par L’Express, Jean-Claude Mailly bouscule  ce bel édifice. Le secrétaire général de FO agite le spectre de « la balkanisation de la République » et « des inégalités de droit comme de traitement ». « L’instauration du haut conseil des territoires et des conférences territoriales de l’action publique permettrait des évolutions permanentes émanant uniquement de propositions d’associations d’élus locaux », cingle l’ancien fonctionnaire de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Or, « pour Force Ouvrière, la décentralisation ne doit pas être un processus continu ».

Jean-Luc Mélenchon (PG) creuse aussi ce  sillon. Le leader du Parti de gauche, ce même 11 janvier, se pose en ennemi numéro un des « potentats locaux ». Lors de ses vœux à la presse, il vilipende « cette foucade » de fusion de la région et des deux départements alsaciens. Selon lui, c’est « la machine à déchiqueter la République » qui se met en marche. Il faut l’arrêter. Et vite !

La ministre en charge de la décentralisation reste stoïque. Pour Marylise Lebranchu, formée à l’école du PSU et habituée à gouverner le conseil régional de Bretagne en compagnie des autonomistes de l’UDB, le choc est rude avec le Jacobin assumé, admirateur de la Constitution 1793.

L’anti-modèle espagnol

Il l’est tout autant avec Marine Le Pen (FN). Au menu, en 2012, de la candidate à la présidentielle : le rétablissement du contrôle de légalité, a priori de l’Etat, sur les grosses dépenses des collectivités ; la baisse de 2 % des dotations aux départements et aux régions, assortie d’une interdiction d’augmenter les impôts ; le transfert à l’échelon central des compétences relatives aux transports régionaux et à l’action économique.

Un programme dont son conseiller « République et laïcité », Bertrand Dutheil de la Rochère, assure le service après-vente. Dans un communiqué publié le 4 octobre 2012, à la veille de l’intervention de François Hollande devant états-généraux de la démocratie territoriale du Sénat, il morigène les « notables locaux », leurs « conciliabules et échanges de services ». « L’Italie et l’Espagne montrent combien pèsent sur l’endettement des États les folies des féodaux régionaux. Erreur au-delà des Pyrénées, mais erreur aussi en-deçà » tranche Bertrand Dutheil de la Rochère, ancien « dircab » de Jean-Pierre Chevènement.

L’inconscient populaire à la rescousse

Un discours jacobin que tiennent aussi Henri Guaino (UMP) et, à un degré moindre, Henri Emmanuelli (PS). C’est tout le drame de ce camps-là. Il est éclaté. Tout, au-delà de l’architecture territoriale, sépare un Jean-Luc Mélenchon d’une Marine Le Pen.

Les Jacobins sont d’autant plus inaudibles que leur intérêt pour les collectivités n’a rien de constant. Au Front national, beaucoup, à l’instar de Jean-Marie Le Pen, affichent leur mépris pour les élections locales et l’unique député-maire d’extrême droite, Jacques Bompard à Orange. Jean-Luc Mélenchon, lui, a bien occupé deux petites années (1998-2000) le fauteuil de vice-président du conseil général de l’Essonne en charge de la communication et des affaires internationales. Mais comme le relèvent ses biographes Lilian Alemagna et Stéphane Aliès (Dans « Mélenchon le plébeïen » aux éditions Robert Laffont), il « n’a jamais été un adepte de la gestion locale » : « Au conseil général, son portefeuille à la communication lui permet surtout de continuer à faire de la politique au sens le plus strict. »

Les Girondins, le président de l’Association des régions de France (ARF) Alain Rousset (PS) en tête, auraient tort de réduire les Jacobins à un quarteron d’ultras. Cette tendance, très présente dans la sphère syndicale, irrigue toujours une partie de  la société. Le vieux fonds égalitaro-centralisateur du peuple français ne demande qu’à s’exprimer. L’acte III de la décentralisation lui en fournit une occasion. Puisse ce débat entre Girondins et Jacobins avoir lieu. Voilà qui honorerait sans doute davantage la République que les guerres picrocholines entre associations généralistes et catégorielles d’élus.

Jean-Baptiste Forray

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Hibernatus exige un référendum

A Grenoble, l’ancien maire Alain Carignon (UMP) exhorte son successeur à renouer « avec la vraie démocratie ». Il réclame une consultation populaire sur le réaménagement du quartier de L’Esplanade.

Alain Carignon bouge encore. L’ancien maire de Grenoble (1983-1995)  appelle à un référendum sur le quartier de l’Esplanade « où la commune voudrait entasser 1200 logements dans une espace extrêmement confiné ».

« C’est la municipalité que je dirigeais qui a décidé et organisé le premier référendum décisionnel dans une ville de plus de 100 000 habitants s’agissant d’implanter ou non le tramway. Compte tenu de mon expérience et de ma légitimité en la matière, puisque cette procédure exemplaire a permis ensuite les développements que l’on sait, j’estime nécessaire que Grenoble renoue avec la vraie démocratie » ose-t-il, dans un communiqué publié le 11 décembre 2012. Le premier magistrat (PS), Michel Destot se garde bien de relever le gant.

Procédure rarissime

Le référendum local n’est plus guère de saison. A Grenoble, comme ailleurs. C’est pourtant dans la patrie de la deuxième gauche et de l’autogestion, que sont nés en 1965 les Groupes d’action municipale (GAM). Le jeune maire de l’époque, Hubert Dubedout, ne jurait que par la participation citoyenne. Son tombeur de 1983, un certain Alain Carignon (RPR)  avait lui-même son groupe d’études et de réalisations municipale, le GERM.

A l’image du nom de son fer de lance, l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (ADELS), la mouvance a pris un coup de vieux. La note de synthèse sur l’avant-projet de loi de décentralisation (dévoilée le 7  janvier par le Courrier des Maires), compte bien un petit chapitre dédié. « Les seuils d’application du droit de pétition seront abaissées dans les communes, les départements et les régions. Les conseils de développement seront maintenus pour les pays ou créés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) donnera un avis sur les politiques régionales ou départementales. » Et puis, c’est tout. Nulle trace  du mot « référendum ». Décidément, Alain Carignon a perdu la main.

Jean-Baptiste Forray

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Paris Métropole : l’intelligence territoriale en panne

Pris en étau entre la région Ile-de-France et l’UMP, Paris Métropole n’est pas parvenue à porter son idée d’autorité métropolitaine du logement. Son échec est aussi celui du gouvernement qui, sur ce dossier, s’en était remis à la sagesse des élus.

A l’orée de l’automne, Patrick Braouezec (ex-PCF) jouait volontiers les fiers-à-bras. « Au contraire de ce qui se passe à Marseille, nous avons su créer les conditions pour être incontournables aux yeux du gouvernement », se félicitait le président de Paris Métropole. A rebours des édiles des Bouches-du-Rhône, incapables de s’entendre, les élus du syndicat mixte d’études allaient tenir la plume pour écrire la scène « Grand Paris » de l’acte III de la décentralisation.

Le pari de l’Elysée

François Hollande l’avait promis le jour même de son intronisation, lors de son allocution à l’hôtel de ville de Paris : « Nous nous appuierons sur une structure qui existe, et qui a commencé de faire ses preuves : Paris Métropole, qui rassemble 200 collectivités, de toutes les sensibilités politiques. »

Marylise Lebranchu, la ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, mettait en musique la partition présidentielle. De congrès en colloques, elle s’en allait, répétant : « Nous avons confiance dans les élus. Nous passons un pacte avec eux. Nous transférons des compétences de la République et nous leur disons : Choisissez votre organisation territoire par territoire. » Patrick Braouezec était en « hotline » avec Marylise Lebranchu. Le scénario était écrit. Le syndicat mixte d’études adopterait son livre blanc, le 17 décembre à Nanterre. Jean-Marc Ayrault consacrerait ces propositions, à l’occasion d’une rencontre à Matignon, deux jours plus tard.

La guérilla Paris-région

Cette belle mécanique s’est brusquement grippée. Lors de la réunion du 17 décembre, Jean-Paul Huchon a dit « non » au pôle métropolitain dessiné par Paris Métropole et la ville de Paris. Le patron (PS) de la région Ile-de-France s’est opposé à une « autorité métropolitaine du logement » dotée, selon le vœu, le 6 février 2012 du maire (PS) de Paris, Bertand Delanoë, « de la capacité à financer (par la délégation des aides à la pierre de l’Etat notamment), à mettre en œuvre des projets structurants et à initier, en cas de carence locale, des procédures en lien avec l’Etat pour se substituer aux collectivités défaillantes ».

Pour Jean-Paul Huchon, la métropole reste la région.  A ses yeux, c’est dans ce périmètre-là que doit s’affirmer une autorité du logement, et non, comme le préconise la capitale, dans l’unité urbaine parisienne de l’INSEE, principalement composée des départements de la petite couronne (Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne).

Paris Métropole a eu beau rappeler qu’un pôle métropolitain n’est qu’un simple syndicat mixte, accepter que le conseil régional et les quatre conseils généraux de la grande couronne (La Seine-et-Marne, les Yvelines, l’Essonne et le Val-d’Oise) y participent, repousser toute création à 2017, rien n’y a fait. Jean-Paul Huchon a campé sur ses positions.

Un échec « collectif »

Les élus UMP ont rejoint le front du refus. Une ligne d’opposition frontale dictée par la présidente de leur groupe à la région, Valérie Pécresse. Seule, une poignée de francs-tireurs, tel le maire de Nogent-sur-Marne, Jacques JP Martin, se sont affranchis de la consigne. Cela n’a pas suffi. Plutôt que d’étaler ses divisions au grand jour, Paris Métropole a préféré de ne pas organiser de vote.

« C’est un échec collectif et personnel », a admis, fair-play, Patrick Braouezec. Son successeur à la tête de Paris Métropole, le maire (UDI) de Sceaux, Philippe Laurent, ira bien à Matignon le 19 décembre. Mais sans feuille de route à présenter à Jean-Marc Ayrault…

« Nous sommes d’accord sur le rôle central des maires, le bouclage de l’intercommunalité en petite couronne et le réseau de transport Grand Paris Express. C’est déjà beaucoup. Il faudra du temps pour construire cette métropole. Le Grand Lyon ne s’est pas bâti en un jour », dédramatise Philippe Laurent. Le maire de Sceaux, pour qui « on n’a pas vraiment besoin des départements en petite couronne », suggère une loi spécifique dédiée à la gouvernance du Grand Paris.

L’Etat en première ligne

Dans l’immédiat, le gouvernement se retrouve dans l’embarras. Marylise Lebranchu avait parié sur un accord. Tout porte à croire qu’elle ne dispose pas de plan « B ». Dans sa version du 27 novembre, l’avant-projet de loi de décentralisation ne comprenait pas le moindre article sur le Grand Paris. Seule une tête de chapitre dépassait. Son intitulé, baroque, en disait long sur le désir de synthèse du gouvernement : « Métropole Paris-Ile-de-France ».

N’en déplaise aux tenants de « l’intelligence territoriale », les élus n’auront pas le bon goût de tomber d’accord à près d’un an du scrutin municipal. Dans une région peuplée d’éléphants PS et de barons UMP, jalonnée de collectivités « XXL » et de syndicats intercommunaux surpuissants, tout consensus relève du vœu pieux. Seul, l’Etat peut trancher ce nœud de vipères. Moralité : Patrick Braouezec avait peut-être tort de se moquer de ses collègues phocéens…

Jean-Baptiste Forray

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Le big bang régionaliste des « DG »

Les directeurs généraux des collectivités prônent l’octroi aux régions d’un pouvoir règlementaire. Les administrateurs territoriaux creusent le même sillon. Les syndicats classiques de fonctionnaires sont vent debout contre une telle perspective. Le débat sur la décentralisation se transformerait-il en une improbable lutte des classes au sein de la territoriale ?

« Il est temps de décider » : le syndicat national des « DG » des collectivités territoriales (SNDGCT) reprend à son compte le mot d’ordre du rapport « Balladur » de mars 2009. L’acte III de la décentralisation passe, à ses yeux, par un choc de régionalisation.

Nettement plus téméraires que leurs élus, y compris régionaux, les cadres des collectivités lorgnent sur le modèle fédéral. Le Bundesrat allemand leur sert de boussole, au moment de dessiner les contours du Haut Conseil des Territoires. En bonne place : une conférence des présidents de région coulée dans le moule des ministres-présidents des länder.

Universités et routes nationales

Dans le tableau des compétences du SNDGCT, les régions, portées à la présidence des « conférences régionales des exécutifs », se voient confier les universités (les bâtiments et le personnel), la gestion des fonds structurels européens et les routes nationales. Egalement dans leur escarcelle : un « pouvoir règlementaire pour permettre une adaptation aux spécificités locales ». Leurs schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADT) s’imposent aux autres échelons. Tout financement croisé doit même s’inscrire dans ce cadre.

Rien ne dépasse dans ce bel ordonnancement de contrats et de schémas. La contribution des praticiens locaux, essentiellement communaux, fleure bon Descartes et les jardins à la française. Les dirigeants territoriaux auraient-ils basculé du côté obscur de la force ? Seraient-ils les nouveaux parangons d’un « jacobinisme régional » honni par le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton (PS) ? Pas si simple. A rebours du prêt-à-penser, les directeurs généraux ne veulent pas accélérer l’évaporation des départements. Bien au contraire, ils souhaitent allouer aux conseils généraux les lycées (Bâtiment et techniciens ouvriers de service de l’Education nationale), aujourd’hui sous la bannière des régions.

Autorité sur les autres collectivités

Il n’empêche, la haute fonction publique locale prend la fibre régionaliste. La contribution des « DG » ne diffère guère du manifeste de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF) publié en juin dernier. Avec leurs schémas régionaux prescriptifs, ces textes lèvent le tabou constitutionnel de l’interdiction de tutelle d’une collectivité sur une autre. Tous deux, in fine, voient dans la diversité un  gage d’égalité.

A cet égard, ils se situent aux antipodes des syndicats classiques de fonctionnaires. A l’exception de la CFDT, la plupart de ceux-ci mettent en garde contre la spirale de « la balkanisation ». « Une proposition de l’AATF va jusqu’à inscrire dans la Constitution la capacité normative des régions », relève FO dans l’une de ses publications. « L’unicité et l’indivisibilité républicaines sont ici remises en cause », s’alarme-t-elle. « Face à ce scénario très structuré et affiché de décentralisation-régionalisation », FO déplore le « silence étonnant des élus départementaux et des maires ». La CGT, elle, s’élève, contre le « transfert aux régions de la totalité de la carte de la formation professionnelle initiale sous statut scolaire et par apprentissage ».

Discret lobbying

Le débat sur la décentralisation deviendrait-il le théâtre d’une improbable lutte des classes au sein de la fonction publique ? Stéphane Bussone, président de la commission « Organisation et management territorial » du SNDGCT, s’inscrit en faux contre une telle thèse : «Nous visons simplement l’efficacité, c’est-à-dire la libre organisation des territoires reconnue depuis 2003 par notre République décentralisée. » Et le directeur général des services (DGS) de Saint-Jean-de-Luz de se féliciter des réactions positives, le 12 décembre, du cabinet « Lebranchu » à « des propositions très concrètes ». « Pragmatiques », les « DG »… Pas comme les syndicats davantage versés dans l’idéologie ? Le SNDGCT refuse de se laisser entrainer sur ce terrain-là.

Rarement reçu par les ministres, au contraire des grandes centrales, le syndicat, présidé le DGS d’Antibes Stéphane Pintre, préfère se lancer dans un discret lobbying. Le 19 décembre, il sera accueilli à Matignon, en compagnie d’autres associations de cadres territoriaux. De l’autre côté de la table, siègera Philippe Yvin, ancien DGS de Seine-Saint-Denis, devenu conseiller de Jean-Marc Ayrault en charge des collectivités territoriales et de la décentralisation. Le début d’une lune de miel, sur fond de régionalisme ?

Jean-Baptiste Forray

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A la lyonnaise…

Un projet de loi de décentralisation obéit à une règle simple : 900 parlementaires en débattent et à la fin, c’est toujours Gérard Collomb, le sénateur-président du Grand Lyon, qui gagne. Cette métaphore, empruntée à l’attaquant anglais Gary Lineker à propos du football et de l’équipe d’Allemagne, vaut plus que jamais.

Gérard Collomb vient de tuer le match avant le début de la partie. Le 4 décembre, le président (PS) du Grand Lyon s’est entendu avec son adversaire, le président (UDI) du conseil général Michel Mercier, pour récupérer sur le territoire de sa communauté urbaine toutes les compétences départementales… Les autres élus n’ont pas eu leur mot à dire. L’arbitre, François Hollande a, au préalable, donné son feu vert à l’opération, lors du sommet France Italie qui s’est tenu le 3 décembre dans la capitale des Gaules.

Le super-Grand Lyon (1 400 000 habitants) disposera des pleins pouvoirs sur ses terres. La communauté urbaine maîtrisera, à l’avenir, la chaîne du logement social, l’attribution du RSA et les infrastructures routières. Le terrain de jeu du conseil général sera circonscrit au Beaujolais et aux Monts du Lyonnais. Il n’interviendra plus qu’auprès de 400 000 habitants.

Du pôle métropolitain…

Ce coup de théâtre, dans l’univers languissant de la décentralisation, en rappelle un autre. A Bordeaux, le 9 octobre 2009, lors du congrès de l’Association des communautés urbaines (ACUF), alors présidée par Gérard Collomb, était apparu un objet juridique non identifié : le « pôle métropolitain ». Cet « OJNI » n’avait été repéré sur aucun écran radar. Il avait surgi, in extrémis, 12 jours seulement avant la présentation en conseil des ministres du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales.

Ce syndicat mixte, composé d’agglomérations pas forcément contigües et destiné à agir en faveur du développement économique et de la fluidité des transports, était taillé sur mesure pour la coopération entre le Grand Lyon, Saint-Etienne, Vienne et le Nord-Isère. Nul hasard à cela : il avait été imaginé par Gérard Collomb et la petite équipe de l’ACUF. Le président du Grand Lyon avait, ensuite, pris son bâton de pèlerin. Son lobbying avait payé.

Le ministre de l’Aménagement du Territoire, un certain Michel Mercier, avait pris  la route de Bordeaux. A la tribune, le maire de Lyon lui avait demandé de  bénir ses pôles. Michel Mercier s’était montré magnanime. Lors des tempêtes parlementaires de la réforme territoriale, le pôle métropolitain était passé entre les gouttes.

… à l’eurométropole

Le sénateur Collomb avait profité des débats pour placer d’autres pions. « Je reste persuadé que les plus grandes métropoles doivent prendre et les compétences communautaires, et les compétences départementales, un peu comme à Paris, confiait-il à La Gazette, le 25 janvier 2010. Nous en discutons avec Michel Mercier. Le Rhône, sans le Grand Lyon, compterait encore 400 000 habitants, soit une population départementale toujours au-dessus de la moyenne nationale. »

Le ministre Mercier, promu garde des Sceaux en novembre 2010, voulait bien discuter, mais n’était pas encore prêt à se faire « hara-kiri ». Depuis, le PS, dominateur dans les cantons du Grand Lyon en 2011, a amoindri sa majorité au conseil général. Des emprunts toxiques du Rhône sont remontés à la surface, représentant le quart de ceux contractés par l’ensemble des conseils généraux. La facture du musée départemental des Confluences, situé à Lyon, a grimpé de 60 millions en 2001 à 180 millions au minimum. Michel Mercier, peut-être au soir de sa vie publique, a bien voulu se retirer  de la capitale des Gaules.

« Si Paris est la capitale de la France, Lyon est la capitale de la province », écrivait Raoul Thibaudet. Une vérité qui tient toujours. Avec son super-Grand Lyon, destiné à prendre le rang d’eurométropole dans le projet de loi « Lebranchu », Gérard Collomb est incontestablement devenu l’élu local le plus puissant de province.

Jean-Baptiste Forray

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