Pour l’UMP, la fusion des mandats départementaux et régionaux constitue le meilleur remède à la chute de la participation aux cantonales. Hostile à l’édile à deux têtes, les socialistes Bernard Derosier et François Hollande prônent la tenue des trois élections locales le même jour.
A peine les premiers cantons étaient-ils tombés dans l’escarcelle de l’opposition que les pontes de l’UMP déroulaient des éléments de langage à forte teneur territoriale… L’abstention massive du 20 mars, assuraient-ils, exprimait un profond « désarroi » face à une « institution complexe » : le département. Une semaine plus tard, résonnait le même refrain. Sur la rive droite de l’échiquier politique, on n’avait d’yeux que pour le premier parti de France : les abstentionnistes, majoritaires au premier (55,7 %) comme au second tour (55,2 %). « Trop de votes, tue le vote » tranchait-on, en substance. Et chacun, au sein du parti présidentiel, de placer sur la rampe de lancement le conseiller territorial, édile unique appelé à siéger en 2014 dans les assemblées départementales et régionales…
Copé pour la fusion département-région
Un élu au lieu de deux ! Le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé faisait « le job ». Et se lançait, même, dans un « teasing » d’enfer… « La réforme de 2014 va permettre de fusionner progressivement les départements et les régions en un conseil territorial » s’enflammait le maire de Meaux. La loi du 16 décembre 2010 n’envisage pourtant rien de tel. Elle jette les bases de la fusion des mandats, en aucun cas de deux collectivités reconnues par la loi fondamentale revue et corrigée en 2003 par le chantre de la « République décentralisée », Jean-Pierre Raffarin. Pour atteindre le graal copéïen, il faudrait une révision constitutionnelle, c’est-à-dire, en premier lieu, réunir une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Scénario improbable, tant il n’est pas dans les usages de la chambre haute, bastion des conseils généraux, de jouer contre ses propres intérêts. Rien n’y fait… Sonné par un énième uppercut local, la direction de l’UMP prend ses désirs pour des réalités.
Dans les départements repeints en rose, on promet la guillotine à l’édile à deux têtes. La date de l’exécution est même arrêtée à 2012, au lendemain des succès présidentiels et législatifs de la gauche… Vœux pieux et allocutions martiales ne durent qu’un temps. Une petite musique finit par se faire entendre. Voici, ici et là, venue l’ère des questions. L’abstention massive ne rompt-elle pas le lien de proximité entre les élus locaux et les électeurs, les collectivités et les usagers ? Ne finit-elle pas par saper les fondations de la décentralisation ?
Fracture civique locale
Aux municipales de 2008, jadis élections préférées des Français, l’abstention a atteint des pics inégalés depuis l’aurore de la Vème république (33,5 % et 34,8 %). Lors des régionales de 2010, le refus de vote a, de nouveau, franchi des sommets, s’établissant à 35,1 % et 44,5 %. Alors, évidemment, les rendez-vous cantonaux de 2011 n’étaient, pour la première fois depuis 1994, couplés à aucun autre. Bien sûr, le renouvellement ne visait que la moitié des cantons et, ce, uniquement pour trois ans. Il n’empêche, l’écart de près de quinze points entre les taux d’abstention de 1994 (39,6 % et 41, 2 %) et de 2011 en dit long sur la fracture civique locale qui se creuse…
Détaché des contingences départementales après 38 ans de service, le député (PS) du Nord, Bernard Derosier ne laisse pas de s’interroger. Le voilà, désormais, qui plaide pour la tenue des élections municipales, départementales et régionales le même jour de 2014. Cela tombe bien : c’est ce que prône, peu ou prou, la majorité. A une nuance d’importance : la proposition « Derosier », bénie par François Hollande, se fonde sur trois scrutins au lieu de deux à droite. Un tel programme, à « midterm » présidentiel, favoriserait, à coup sûr la participation. Pas sûr, cependant, qu’il aide les citoyens à décrypter les enjeux profonds de l’action de chacune des trois catégories de collectivités….
Jean-Baptiste Forray