Archives de Tag: élections

L’assiette au beurre

Rien n’a changé depuis la IVème République. On comparait, alors, les radicaux aux radis : « Rouges à l’extérieur, blancs à l’intérieur et tout près de l’assiette au beurre. » Leur chef actuel, Jean-Michel Baylet possède toujours un solide appétit. Il l’a prouvé, en obtenant, le 17 octobre, la préservation de la moitié des conseils généraux en l’échange du maintien des radicaux de gauche au Gouvernement.

L’histoire repasse les plats. Impuissance politique et marchandages entre partis : les principaux ingrédients de la IVème République sont de retour. L’affaire de la vraie-fausse suppression du conseil général le démontre pleinement.

Tout démarre au printemps. François Hollande tranche dans le vif. « Le conseil général a vécu », statue-t-il. La formule fait florès. L’institution bicentenaire, en conclut-on, sera effacée de la Constitution. Il n’y aura plus de scrutin cantonal. Paris tient, enfin, sa réforme de structure. Bruxelles et Berlin relâchent un peu la bride.

Réforme virtuelle – Patatras, un mois plus tard… Dans une tribune publiée dans la presse quotidienne régionale, le Président fait machine arrière. Plus question de couper tout de suite la tête des élus départementaux. « L’objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020. » François Hollande repousse son grand dessein à l’après-présidentielle de 2017. Autant dire aux calendes grecques.

L’instauration des super-régions mise à part, la réforme territoriale devient surtout virtuelle. Le régime des faux-semblants peut triompher. Et, avec lui, l’un de ses virtuoses, le président du parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet. Surgie des tréfonds de la IVème République, sa formation entre dans la mêlée. Malgré son score microscopique à la primaire citoyenne de 2011 (0,64 %), son chef dispose de solides arguments. Le PDG de La Dépêche du Midi bénéficie d’un groupe à l’Assemblée et au Sénat. Le patron de presse colle au discours social-libéral de Manuel Valls. Il est le dernier allié du PS.

Après avoir, en vain, fait des pieds et des mains pour décrocher un gros maroquin lors du remaniement fin août, Jean-Michel Baylet change de registre. Il menace, début octobre, de faire démissionner ses trois représentants au Gouvernement s’il n’obtient pas le maintien de la majorité des conseils généraux.

Comique de répétition – Entre ces deux dates, un drame national. En dépit de sa mainmise sur l’unique quotidien local (La Dépêche du Midi) et le conseil général du Tarn-et-Garonne, Jean-Michel Baylet perd son fauteuil de sénateur. Un terrible revers pour l’héritier radical-cassoulet, dont la famille règne sur le département depuis près d’un siècle. Le chef est défait dans son fief ! Avec la complicité, s’insurge-t-il, des socialistes. Sur le mode « Arrêtez moi, ou je fais un malheur ! », Jean-Michel Baylet fait les gros yeux. Ce n’est pas la première fois, relèvent les observateurs, que le leader radical menace de retirer ses représentants du conseil des ministres. Les moqueurs parlent de comique de répétition.

Au siège du plus vieux parti de France, on ne plaisante pas. L’heure est grave. Jean-Michel Baylet doit absolument se refaire une santé. Alors, plus que jamais, il se pose en champion des conseils généraux. Ceux-ci, faut-il le rappeler, ne sont pas menacés avant 2020. L’objectif présidentiel d’une suppression à cet horizon a même été abandonné. Fin août, Manuel Valls a indiqué qu’ils seraient supprimés uniquement sur le territoire des métropoles. Ailleurs, ils seraient transformés en fédérations d’intercommunalités. Et là, où cela ne serait pas possible, les conseils généraux seraient maintenus en l’état.

Un cas de figure qui, selon les exégètes de Matignon, concernerait 10 à 15 départements. Le Tarn-et-Garonne ferait-il partie du lot ? Au secrétariat d’Etat à la réforme territoriale, on réfléchit à des critères pour le faire entrer dans cette case.

Troc politique – Mais Jean-Michel Baylet possède un plus gros appétit. Rien n’a changé depuis la IVème République. On comparait, à l’époque, les radicaux aux radis : « Rouges à l’extérieur, blancs à l’intérieur et tout près de l’assiette au beurre.  » Dans son « projet de protocole d’accord de gouvernement entre le Parti radical de gauche et le Parti socialiste », le PRG se montre toujours aussi gourmand. Il réclame que « les conseils départementaux soient conservés dans les 54 départements dans lesquels plus de la moitié des communes ont une densité de population inférieure à 40 habitants au km2 au sens du commissariat général à l’égalité des territoires ».

Le 17 octobre, Manuel Valls répond à cette requête dans une longue lettre de sept pages. Entre la promesse d’une loi sur la fin de vie, la mise à l’étude d’une mission interministérielle sur la laïcité et la commande d’un rapport consacré à la retenue à la source de l’impôt, le Premier ministre s’attaque au plat de résistance. Oui, il s’engage à « pérenniser au moins la moitié des actuels conseils départementaux ». Résultat : après un insoutenable suspense, les radicaux restent au gouvernement. Certains diront, qu’avec ce troc, Manuel Valls s’est vendu pour un plat de lentilles. A moins que, finalement, sa promesse ne mange pas de pain…

Jean-Baptiste Forray

 

2 Commentaires

Classé dans Chronique

Les départements se convertissent à la parité

Lors de son congrès, les 20 et 21 septembre, à Metz, l’Assemblée des départements de France défendra l’élection de tandems mixtes au sein de cantons agrandis.

Préserver l’ancrage cantonal tout en instaurant la parité. Longtemps, l’objectif a relevé de la quadrature du cercle. Dans une précontribution à un nouvel acte de la décentralisation, l’Assemblée des départements de France (ADF) croit avoir trouvé la solution. Sous l’appellation, un brin barbare, de « scrutin binominal mixte majoritaire », elle formule une proposition choc : l’élection dans chaque canton d’un tandem formé d’une femme et d’un homme. Une révolution culturelle pour des cénacles encore souvent majoritairement composés de notables ruraux.

Le spectre de la proportionnelle…

A l’issue du scrutin de 2011, la part de conseillères générales était toujours réduite à la portion congrue (13,8 %). Les duos paritaires exigent de retailler les cantons à la serpe. Selon leurs promoteurs, cela n’entraînera « pas d’augmentation du nombre total de conseillers départementaux ». Imaginés par le maire (PS) de Saint-Herblain, Charles Gautier, et l’ancien président (PS) du conseil général de la Loire-Atlantique, Patrick Mareschal, ces duos ont déjà fait du chemin. Lors d’un premier vote, début juillet, le bureau de l’ADF les a même plébiscités. Une manière selon Claudy Lebreton (PS), patron de l’ADF, de s’opposer à une « transposition du mode de scrutin proportionnel des régions aux départements, à laquelle certains, au gouvernement comme dans la majorité, sont acquis. »

… et de la fin du département

« Comme Elisabeth Badinter, je considère que la parité est une manière insultante de dire aux femmes qu’elles ne sont pas capables de se faire élire à la loyale. Mais nous ne nous opposerons pas à un scrutin qui permet d’échapper à la proportionnelle intégrale » annonce Bruno Sido, leader du groupe de la droite, du centre et des indépendants (DCI) à l’ADF.

Il en profite aussi pour adresser un signal aux ténors de l’UMP (François Fillon, Jean-François Copé, Luc Chatel, Bruno Le Maire), ralliés à la suppression du département. « Ce n’est qu’un phénomène de mode, grince Bruno Sido. Nous avons eu droit à la même rengaine en 2002 et, sur les 14 milliards d’euros versés par l’Etat au titre des compensations des transferts de compétences, 9 milliards nous sont revenus… »

Jean-Baptiste Forray

1 commentaire

Classé dans Chronique

Quand Bernadette Chirac vidait son sac…

Un malheur n’arrive jamais seul pour la réforme des collectivités. Ce 25 septembre a vu, en même temps que la défaite de la majorité aux sénatoriales, la victoire dans une cantonale partielle de Corrèze d’une opposante de choc au conseiller territorial : Bernadette Chirac. L’ex-première dame de France, qui  l’a emporté haut la main (60,81 % dès le premier tour), a eu des mots fort peu diplomatiques à l’endroit de l’élu à deux têtes.

La réforme « Balladur» dans le viseur

« Cette nouvelle loi, imaginée par Edouard Balladur, n’a aucun sens » blâmait-elle dans un article du Monde daté du 15 mars. L’épouse de l’ancien président du conseil général de Corrèze renchérissait: « Il ne faut pas vous faire d’illusions. C’est un très grand changement qui n’est pas du tout fait pour la proximité. » Et Bernadette Chirac née Chodron de Courcel d’accuser l’exécutif de « mettre par terre une structure qui date de la Révolution et de l’Empire. » « On ne connaîtra personne, mettait-elle en garde, ce sera un travail de technocrate. » Un copié-collé des argumentaires des conseillers généraux socialistes ! Un message reçu cinq sur cinq, lors des sénatoriales du 25 septembre, par les grands électeurs ruraux qui ont renvoyé bien des sénateurs de la majorité dans leurs pénates…

Jean-Baptiste Forray

2 Commentaires

Classé dans Décryptage

Le conseiller territorial, vrai-faux remède à l’abstention

Pour l’UMP, la fusion des mandats départementaux et régionaux constitue le meilleur remède à la chute de la participation aux cantonales. Hostile à l’édile à deux têtes, les socialistes Bernard Derosier et François Hollande prônent la tenue des trois élections locales le même jour.

A peine les premiers cantons étaient-ils tombés dans l’escarcelle de l’opposition que les pontes de l’UMP déroulaient des éléments de langage à forte teneur territoriale… L’abstention massive du 20 mars, assuraient-ils, exprimait un profond « désarroi » face à une « institution complexe » : le département. Une semaine plus tard, résonnait le même refrain. Sur la rive droite de l’échiquier politique, on n’avait d’yeux que pour le premier parti de France : les abstentionnistes, majoritaires au premier (55,7 %) comme au second tour (55,2 %). « Trop de votes, tue le vote » tranchait-on, en substance. Et chacun, au sein du parti présidentiel, de placer sur la rampe de lancement le conseiller territorial, édile unique appelé à siéger en 2014 dans les assemblées départementales et régionales…

Copé pour la fusion département-région

Un élu au lieu de deux ! Le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé faisait « le job ». Et se lançait, même, dans un « teasing » d’enfer… « La réforme de 2014 va permettre de fusionner progressivement les départements et les régions en un conseil territorial » s’enflammait le maire de Meaux. La loi du 16 décembre 2010 n’envisage pourtant rien de tel. Elle jette les bases de la fusion des mandats, en aucun cas de deux collectivités reconnues par la loi fondamentale revue et corrigée en 2003 par le chantre de la « République décentralisée », Jean-Pierre Raffarin. Pour atteindre le graal copéïen, il faudrait une révision constitutionnelle, c’est-à-dire, en premier lieu, réunir une majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Scénario improbable, tant il n’est pas dans les usages de la chambre haute, bastion des conseils généraux, de jouer contre ses propres intérêts. Rien n’y fait… Sonné par un énième uppercut local, la direction de l’UMP prend ses désirs pour des réalités.

Dans les départements repeints en rose, on promet la guillotine à l’édile à deux têtes. La date de l’exécution est même arrêtée à 2012, au lendemain des succès présidentiels et législatifs de la gauche… Vœux pieux et allocutions martiales ne durent qu’un temps. Une petite musique finit par se faire entendre. Voici, ici et là, venue l’ère des questions. L’abstention massive ne rompt-elle pas le lien de proximité entre les élus locaux et les électeurs, les collectivités et les usagers ? Ne finit-elle pas par saper les fondations de la décentralisation ?

Fracture civique locale

Aux municipales de 2008, jadis élections préférées des Français, l’abstention a atteint des pics inégalés depuis l’aurore de la Vème république  (33,5 % et 34,8 %).  Lors des régionales de 2010, le refus de vote a, de nouveau, franchi des sommets, s’établissant à 35,1 % et 44,5 %. Alors, évidemment, les rendez-vous cantonaux de 2011 n’étaient, pour la première fois depuis 1994, couplés à aucun autre. Bien sûr, le renouvellement ne visait que la moitié des cantons et, ce, uniquement pour trois ans. Il n’empêche, l’écart de près de quinze points entre les taux d’abstention de 1994 (39,6 % et 41, 2 %) et de 2011 en dit long sur la fracture civique locale qui se creuse…

Détaché des contingences départementales après 38 ans de service, le député (PS) du Nord, Bernard Derosier ne laisse pas de s’interroger. Le voilà, désormais, qui plaide pour la tenue des élections municipales, départementales et régionales le même jour de 2014. Cela tombe bien : c’est ce que prône, peu ou prou, la majorité. A une nuance d’importance : la proposition « Derosier », bénie par François Hollande, se fonde sur trois scrutins au lieu de deux à droite. Un tel programme, à « midterm » présidentiel, favoriserait, à coup sûr la participation. Pas sûr, cependant, qu’il aide les citoyens à décrypter les enjeux profonds de l’action de chacune des trois catégories de collectivités….

Jean-Baptiste Forray

1 commentaire

Classé dans Non classé

Conseiller territorial : une meilleure représentativité de la population ?

La création des conseillers territoriaux par la loi de réforme des collectivités adoptée le 17 novembre par le Parlement aboutit à la fusion des conseillers généraux et régionaux. Et à une nouvelle échelle de représentativité des citoyens par ce nouvel élu.  Mais que peut-on en déduire ? Nous vous invitons à en débattre ici.

Dans l’exposé sommaire expliquant la démarche suivie par les députés en première lecture, le gouvernement explique quelles règles ont présidé à la suppression de 3 903 conseillers généraux et de 1 757 conseillers régionaux. On sait que la représentativité de ces élus, notamment les conseillers généraux, était imparfaite.
Il est ainsi rappelé dans l’exposé sommaire que le nombre de conseillers généraux, « lié à des modifications du nombre et des limites territoriales des cantons, n’a souvent aucun lien direct avec la population départementale » et que « l’écart de représentation du canton le moins peuplé au canton le plus peuplé dépasse le rapport de 1 à 20 dans 19 départements et peut atteindre jusqu’à 1 à 45 ».

La répartition du nombre de conseillers territoriaux a donc donné lieu à un réajustement de plusieurs ratios, notamment pour le nombre d’élus par département, et en fonction de la population. Les modalités de calcul ont été établies région par région, et non au plan national.
La représentation moyenne de chaque département d’une même région s’inscrit « en principe dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l’échelon de la région ».

Un premier tableau des conseillers territoriaux par département avait été voté à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale le 25 mai 2010. Il a fait l’objet de modifications, dans plusieurs régions, réduisant ainsi des écarts de représentativité infrarégionale importants.
Mais entre les 7391 habitants représentés par conseiller territorial dans le Cantal et les 32 179 habitants pour 1 conseiller territorial dans le Nord, ou même 40 276 habitants pour un conseiller territorial à Paris, les territoires ruraux semblent beaucoup mieux pourvus en élus que les territoires urbains, comme aujourd’hui.

Vous trouverez ci-dessous la répartition par département des nouveaux conseillers territoriaux, et les suppressions de conseillers général et régional qu’elle entraîne, après la première lecture, et après l’adoption de la loi.

Les citoyens seront-ils mieux représentés par les conseillers territoriaux ? Le nouveau conseil régional sera-t-il plus efficace que les deux assemblées précédentes, alors qu’on peut prédire des difficultés à réunir tous les conseillers territoriaux : distance à parcourir pour rejoindre la capitale régionale lors des assemblées plénières, des commissions, augmentation des frais de transports et d’hébergement…

Nous invitons tous les internautes à nourrir le débat, en postant des commentaires, argumentés.

Romain Mazon

1 commentaire

Classé dans Décryptage

Dernier obstacle : le Sénat

Après un report de 15 jours pour cause de réforme des retraites, celle des collectivités a finalement été examinée en commission mixte paritaire (CMP) le 3 novembre, sans bouleversement du texte. Le sénateur centriste, Yves Détraigne, s’est finalement abstenu sur le mode de scrutin du conseiller territorial.

C’était l’élément central de cette réunion. Celui qui pouvait tout faire échouer. Alors que la discussion portait sur la possibilité de se maintenir au second tour des élections avec un taux de 12,5% comme le souhaitait la majorité, le vote n’est, dans un premier temps, pas favorable. Suspension de séance, puis reprise des débats et Yves Détraigne choisit alors de s’abstenir et non plus de voter contre comme quelques minutes auparavant, permettant ainsi à la discussion de continuer.

« L’UMP voulait à tout prix imposer ce taux. J’avais la possibilité de faire échouer la CMP, mais sur un texte aussi symbolique, il faut laisser les 900 parlementaires s’exprimer et pas un seul trancher. J’ai obtenu plus que j’espérais sur les compétences, je me suis donc permis de ne pas voter contre ce nouveau seuil », explique-t-il.

Le reste des modifications en CMP étaient attendues : passage du seuil de participation des maîtres d’ouvrage de 30 à 20%, report de l’entrée en vigueur des nouvelles règles de cofinancements au 1er janvier 2015 ou durcissement des conditions pour constituer une commune nouvelle. Le centriste a aussi obtenu une clause de revoyure concernant les cofinancements et un durcissement des sanctions des partis en cas de non respect de la parité.

Abstention plus suffisante

La question centrale est désormais de savoir si le texte, qui ressemble beaucoup à la version votée à l’Assemblée, passera le Sénat, qui ne partage pas la vision des députés et du gouvernement reflétée désormais le projet de loi. Et le soutien du groupe centriste sera fondamental, l’UMP n’ayant pas la majorité à la Chambre haute. La position d’abstention choisie par Yves Détraigne ne serait en effet cette fois-ci pas suffisante pour adopter le texte.

« Ce vote ne présume en rien, bien au contraire du vote du Sénat », a déjà prévenu un autre sénateur centriste, Hervé Maurey. « Le Gouvernement doit mieux prendre en compte les positions de notre assemblée », ajoute-t-il. La tendance dans ce groupe du Sénat était, la semaine passée, au rejet tant qu’ils n’auront pas satisfaction à la fois sur les compétences et le mode de scrutin. L’examen des conclusions de la CMP dans les des deux chambres sont fixés au 9 novembre au Sénat et le 16 à l’Assemblée.

Si le texte n’est pas voté au palais du Luxembourg, le gouvernement pourra toujours demander au Palais-Bourbon de statuer en dernier ressort. L’histoire ne s’arrêtera dans tous les cas pas là, car il ne faut pas sous estimer les risques d’inconstitutionnalité que ne manquera pas de soulever l’opposition après l’adoption définitive du texte…

Raphaël Richard

Poster un commentaire

Classé dans Chronique

L’Assemblée au pas de charge

Moins de neuf heures : c’est le temps, en seconde lecture, qu’il a fallu les 15 et 16 septembre, aux députés pour passer en revue les 42 articles du projet de loi de réforme des collectivités. Un examen à vitesse grand V, favorisé par le boycott du groupe socialiste. Le vote solennel se déroulera le 28 septembre. Revue des principales modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Le scrutin majoritaire pour le conseiller territorial

Au grand dam de l’opposition, le conseiller territorial retrouve un mode de scrutin à l’article 1er du projet. L’élu, appelé à siéger au département et à la région, est de nouveau désigné selon le modèle du conseiller général actuel. C’est-à-dire à la faveur d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. La barre de qualification pour le second tour est fixée à 12,5 %. 55 députés UMP, parmi lesquels Patrick Balkany, Jacques-Alain Benisti et Thierry Mariani, militaient pour que seuls les deux candidats arrivés en tête accèdent à « la finale ». Ils n’ont pas obtenu gain de cause. Il n’empêche, du côté des centristes du Sénat, favorables à une dose de proportionnelle, on ne décolère pas. « Le gouvernement et les députés ne nous entendent pas, se désole le sénateur (Union Centriste-Nouveau Centre), Hervé Maurey. Ce n’est pourtant pas faute de leur avoir adressé des messages. Aucun ministre n’a trouvé le chemin de notre bureau. Tout se passe comme si l’exécutif ne se rendait pas compte de l’effet calamiteux d’un conflit avec la chambre représentant les collectivités. »

Un article normatif sur les compétences

Exit le projet de loi cher au Sénat de répartition des compétences un an après l’adoption du texte cadre, l’Assemblée traite la question sous la forme de dispositions normatives. Elle rétablit, pour l’essentiel, l’article 35 dans sa version votée le 8 juin au Palais Bourbon. Le gouvernement a cependant fait droit à une requête des centristes exprimée par le président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée, François Sauvadet. L’article 35 fera l’objet d’une clause de revoyure dans les trois ans suivant son adoption. Un comité de suivi et de mise en œuvre composé de représentants des collectivités, du Parlement et de l’Etat, présidé par un élu local, fera ses propositions d’amélioration au Premier ministre ainsi qu’aux deux chambres.

En attendant, les départements et les régions interviennent, de nouveau, seulement « dans les domaines que la loi leur attribue ». Une entaille à la clause de compétence générale des collectivités assortie d’une kyrielle de dérogations. Le tourisme, la culture et le sport échappent au couperet. L’AMF, par la voix de son président Jacques Pélissard, souhaitait étendre ce champ d’exception à la politique de la ville. Une piste que les députés n’ont pas retenue.

Des métropoles à la portion congrue

Les métropoles, contrairement au vœu du rapporteur Perben, n’ont pas repris un peu de la marge de manœuvre fiscale dont les avait privées le Sénat. Ainsi, le transfert à ces groupements de la taxe foncière sur les propriétés bâties n’a pas été voté. Ce garde-fou ne convainc toujours pas le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) qui, Patrick Braouzezec (député et président ex-PCF de la communauté d’agglomération de Plaine Commune) en tête, s’oppose aux métropoles accusées de favoriser « un développement territorial inégalitaire et l’étalement urbain ».

Le bloc local figé

Le volet intercommunal subit, pour l’heure, très peu de changements. Les députés issus de l’Association des communautés de France (ADCF), à l’instar de Michel Piron (UMP), n’ont pas obtenu que cette lecture offre aux conseils des communautés de communes le pouvoir définir elle-même l’intérêt communautaire en lieu et place des communes. Un mécanisme pourtant déjà en cours dans les autres EPCI à fiscalité propre. La date d’achèvement de la carte intercommunale est repoussée du 1er mars au 30 juin 2013 de manière, selon le gouvernement, à davantage faciliter la concertation. La très grande majorité des dispositions du volet intercommunal ont, désormais été adoptées dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Le gouvernement espère toujours un accord entre les deux chambres sur l’ensemble du projet en commission mixte paritaire. Un rendez-vous qui devrait avoir lieu avant le congrès de l’Assemblée des départements de France les 20 et 21 octobre à Avignon.

Jean-Baptiste Forray

Poster un commentaire

Classé dans Décryptage

Le Sénat détricote le texte de l’Assemblée

Les caresses, les menaces… rien n’y a fait. Dans leur majorité, les centristes du Sénat ont, en deuxième lecture, joint leurs voix à la gauche pour expurger deux mesures-phares du projet de loi-cadre portant réforme des collectivités : le mode de scrutin uninominal à deux tours des conseillers territoriaux et la spécialisation des compétences des départements et des régions.

Le projet de loi aminci a été voté à une courte majorité dans la nuit du 7 au 8 juillet. « Depuis 30 ans que je participe à presque tous les débats sur les lois de décentralisation, je n’ai jamais vu un texte dans un tel état, assure le vice-président (PS) de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur. Il n’y a plus de pilote dans l’avion pour porter cette réforme. »

Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, organise la riposte, mettant en avant le caractère positif du vote final du Sénat. Gérard Longuet, le président du groupe UMP au Sénat, rappelle que « l’Assemblée nationale aura le dernier mot ». Il n’empêche : la fronde du Palais du Luxembourg sonne comme un avertissement pour la droite, à quinze mois d’un renouvellement à haut risque. Gérard Larcher (UMP) en a pleinement conscience qui confie : « Une réforme des collectivités adoptée sans le Sénat, je ne suis pas certain de son applicabilité. »

Conseillers territoriaux : le scrutin recalé

En séance, le Sénat suit finalement les premières préconisations, le 16 juin, de sa commission des lois : il décide de ne pas choisir de mode de scrutin pour les conseillers territoriaux appelés à siéger en 2014 dans les assemblées départementales et régionales. Les membres du groupe Union Centriste, partisans d’une dose de proportionnelle, rejettent, dans leur majorité, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours arrêté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet, ils font basculer les suffrages au détriment de l’exécutif. Nicolas Sarkozy a pourtant pris soin de les recevoir dans l’après-midi… Les efforts conjugués de Brice Hortefeux (ministre de l’Intérieur), Michel Mercier (ministre de l’Espace rural et de l’Aménagement du Territoire), Alain Marleix (secrétaire d’Etat aux collectivités territoriales) et Henri de Raincourt (secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement), tous présents sur les bancs du gouvernement, n’y font rien non plus.

« Quand le gouvernement bricole, le Sénat sanctionne », applaudit François Rebsamen, sénateur-maire (PS) de Dijon. « Il ne reste plus qu’un conseiller territorial déplumé dans un champ de ruines », se réjouit Jean-Pierre Sueur (PS).

A l’origine, le mode de scrutin du conseiller territorial devait faire l’objet d’un projet de loi séparé. L’exécutif, désireux d’en finir avant la fin de la session extraordinaire, le 13 juillet, avait intégré ce volet au texte-cadre, lors de son passage à l’Assemblée nationale. Il avait aussi fixé le nombre de conseillers territoriaux dans chaque département et chaque région. Ce tableau, supprimé par la commission des lois le 16 juin, retrouve in extremis sa place dans la nuit du 7 au 8 juillet.

Compétences : le retour de la loi

335 voix contre, 5 pour : c’est par un score « soviétique », que, ce 7 juillet, le Sénat repousse la rédaction de l’article 35 sur la répartition des compétences établie par l’Assemblée nationale. Enterrés, les principes normatifs qui restreignaient la liberté d’intervention des départements et des régions ; retour à la version sénatoriale de la première lecture.

Une loi sur les compétences doit, de nouveau, intervenir dans les douze mois après la promulgation du texte-cadre. « Le mot d’ordre, c’est courage, fuyons. C’est l’image que le Sénat va donner de lui-même », s’inquiète Gérard Longuet, dans un hémicycle garni comme rarement.

Seul motif de consolation pour le noyau dur de l’UMP : à l’occasion de la dernière séance de débat, l’amendement communiste – voté le 30 juin – érigeant  » la compétence générale » au rang de « principe fondateur de la libre administration des collectivités » disparait du projet de loi.

Jean-Baptiste Forray

Poster un commentaire

Classé dans Dans l'hémicycle

L’Assemblée donne du corps au texte

Le 8 juin, l’Assemblée a adopté en première lecture le projet de loi de réforme des collectivités avec 276 voix pour et 240 contre, une quarantaine de députés se sont abstenus. Le texte a été largement remanié dans l’hémicycle du Palais-Bourbon.

A la sortie du Sénat, le projet de loi semblait considérablement affaibli, avec un tel pouvoir laissé aux communes que les métropoles ressemblaient à des étiquettes et que les communes nouvelles ne verraient jamais le jour. Les députés ont tenté de remédier à ces problèmes, alors que le gouvernement ajoutait bon nombre de dispositions nouvelles.

Sur le conseiller territorial, l’opposition reprochait à l’exécutif son mode d’élection et de ne pas connaître sa répartition sur le territoire. Qu’à cela ne tienne, ces éléments ont été modifié pour le premier et ajouté pour le second par amendement malgré un projet de loi déposé sur le bureau du Sénat sur le mode de scrutin et la promesse que la Haute assemblée serait la première au fait du tableau de répartition. Même s’il reste à réaliser un redécoupage des cantons, les éléments relatifs à ce nouvel élu sont désormais connus… et ne satisfont pas tout le monde.

Parité

Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour l’instant choisi par le gouvernement, pose en effet un problème de parité. Le rapporteur du texte, Dominique Perben (UMP, Nord), a bien tenté par une manœuvre de dernière minute de palier ce manque en faisant voter l’extension des « amendes » infligées aux partis en cas de non respect de ce principe dans le cadre de l’élection du conseiller territorial… reste à voir comment le Conseil constitutionnel appréciera.

Quant au tableau de répartition par département, il est arrivé tellement vite en discussion que personne n’a vraiment eu le temps d’en prendre la mesure, les savants calculs utilisés par la majorité demandant de prendre un certain recul. La gauche a bien dénoncé de fortes disparités régionales, mais elles semblaient inévitables avec le double objectif de réduction du nombre d’élus et d’un minimum de représentants pour chaque département (15). Il y a fort à parier que les débats sur ce nouvel élu ne sont pas terminés.

Clause générale maintenue

Autre grand bouleversement réalisé sur l’article 35 relatif aux compétences des collectivités. Finie la grande loi prévue 12 mois après l’adoption de celle-ci, la plupart des règles sont d’ores et déjà fixées dès maintenant. Et autant dire que cela ne change pas franchement l’existant… quelques aspects sont clarifiés, mais la clause de compétence générale, qui devait être retirée aux régions et aux départements, subsistent bel et bien. Quant aux taux minimums de participation des maîtres d’œuvre dans leurs projets, ils n’ont pas fini de faire parler tant les règles manquent de souplesse.

Il était question aussi de souplesse dans les modifications que voulait apporter le rapporteur à la création des communes nouvelles ou pour les changements de périmètre des intercommunalités. Le lobby des communes a été plus fort et les majorités nécessaires sur ces deux questions seront donc toujours assez contraignantes. Sur les métropoles en revanche, Dominique Perben a réussi à les renforcer en termes de compétences, même si un amendement gouvernemental pourrait retarder la création de certaines d’entre elles, avec l’introduction d’une étape transitoire dont l’objectif reste assez obscur.

Fin en septembre

L’exécutif espère encore une adoption rapide du texte, mais le calendrier est très défavorable. Le débat au Sénat prévu pour débuter le 28 juin devrait laisser de nombreux articles encore en discussion. La session extraordinaire s’achevant le 12 juillet, l’adoption définitive après une seconde lecture à l’Assemblée semble désormais impossible avant septembre.

Raphaël Richard

3 Commentaires

Classé dans Chronique

La répartition des compétences, et le reste du texte, adoptés

L’Assemblée nationale a achevé l’examen du projet de loi de réforme des collectivités dans la nuit du 2 au 3 juin, après avoir passé de longues heures sur la répartition des compétences entre collectivités, ajoutant notamment le tourisme aux compétences communes des trois niveaux de collectivités.

L’article 35 du projet de loi était à l’origine déclaratif, annonçant un futur texte sur la répartition des compétences 12 mois après la promulgation de la présente loi. Le rapporteur Dominique Perben (UMP, Rhône) et le gouvernement en ont décidé autrement en commission, en proposant un certain nombre de principes directeurs pour cette répartition (voir l’interview de Dominique Perben). De nombreuses prises de paroles le 2 juin en fin d’après-midi puis en soirée ont repoussé l’examen des amendements après minuit. Sérieuses ou humoristiques, d’élus de banlieue ou ruraux, de droite ou de gauche, les interventions ont remis en cause les nouvelles dispositions ou simplement émis quelques réserves sur celles-ci.

A l’initiative du groupe GDR et de trois députés UMP, le tourisme a été ajouté parmi les compétences des régions, des départements et des communes. Un amendement, adopté, du gouvernement a remplacé les termes « patrimoine » et « création artistique » par le mot « culture », un changement réclamé sur plusieurs bancs.

Adaptations gouvernementales

Le gouvernement a été suivi pour apporter quelques aménagements aux articles 35 bis, 35 ter et 35 quater. Sur le premier, deux amendements ont pour objectif de clarifier les interventions des départements et des régions dans le cadre des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation des services.

Sur le second, l’amendement vise à simplifier et assouplir les conditions de participation minimale des collectivités territoriales et de leurs groupements lorsqu’ils assurent la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’investissement. Deux seuils seraient conservés : l’un de 20% pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI à fiscalité propre de moins de 50 000 habitants, l’autre de 30% dans tous les autres cas.

Sur le troisième, il est prévu que les communes de plus de 3 500 habitants ne pourront plus bénéficier de financements cumulés des régions et des départements, sauf dans les domaines du sport, de la culture et du tourisme jusqu’au 1er janvier 2015. Après cette date, ils n’auront des financements croisés dans ces domaines que si un schéma d’organisation de compétence et de mutualisation le prévoit. La possibilité de financements croisés est conservée pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI à fiscalité propre de moins de 50 000 habitants.

Le retour de la parité

Après l’article 36 A, le rapporteur a fait voter un premier amendement permettant aux cantons qui seront fusionnés de pouvoir conserver un chef-lieu double « pour faciliter l’évolution de la carte cantonale », a-t-il indiqué.

Une dernière modification de Dominique Perben a apporté un changement plus important. La proposition de loi de Chantal Brunel (UMP, Seine-et-Marne) visant à favoriser la parité par le biais d’aides financières aux partis avait été évoquée précédemment par la majorité pour répondre aux critiques sur le mode de scrutin choisi pour les conseillers territoriaux. Petit coup de théâtre qui ressemble surtout à du bricolage : son contenu est repris par cet amendement. Une apparition à 2h du matin bien peu appréciée par l’opposition en terme de méthode. Le rapporteur refusant de retirer l’amendement à la demande des socialistes, ces derniers ont quitté l’hémicycle en signe de protestation. Un départ qui n’a pas empêché l’adoption de cet amendement, puis des derniers articles.

Le vote solennel sur l’ensemble du texte a été fixé au 8 juin. Le projet de loi devrait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat avant la fin du mois ou début juillet. Une seconde lecture à l’Assemblée avant la fin de la session extraordinaire, le 12 juillet, semble bien difficile. L’adoption définitive aurait alors lieu en septembre.

Raphaël Richard

Poster un commentaire

Classé dans Dans l'hémicycle